AprĂšs la dĂ©faite subie lors de la guerre franco-prussienne de 1870-1871, un dĂ©sir ardent de revanche anime les esprits en France. L’Ă©tat-major gĂ©nĂ©ral des armĂ©es rĂ©clame la crĂ©ation d’un nouveau camp pouvant accueillir de grandes formations lors des manĆuvres. La France cherche alors des terrains dans des zones faiblement peuplĂ©es et dont la superficie est suffisante pour dĂ©ployer et faire Ă©voluer des grandes unitĂ©s de plusieurs milliers dâhommes soutenus par une artillerie pouvant exĂ©cuter des tirs Ă longues distances.
En parallĂšle, les mĂ©decins militaires constatent la dĂ©gradation des conditions d’hygiĂšne et de santĂ© des soldats dans les casernes urbaines.
Ainsi, Mailly s’impose comme un choix Ă©vident, tout d’abord par, le coĂ»t des terrains abordables. En effet, le dĂ©partement de l’Aube, situĂ© au nord-est du pays, sur la frontiĂšre de la Marne, regorge de vastes plaines crayeuses peu accidentĂ©es, presque inhabitĂ©es, couvertes de pins sylvestres rabougris, de maigres genĂ©vriers et d’immenses Ă©tendues de friches oĂč pousse une herbe appelĂ©e « le pouilleux » dans le jargon champenois.
Mailly s’avĂšre ĂȘtre un carrefour stratĂ©gique idĂ©al, car elle le village est dĂ©jĂ dotĂ©e de deux routes importantes, la RN 77 (Nevers/Sedan) et la RN 4 (Paris/Strasbourg), ainsi que de deux lignes de chemin de fer (Troyes/ChĂąlons-en-Champagne et Paris/Vitry-le-François).
Enfin, la disponibilitĂ© en eau est cruciale pour tout camp militaire. Le lieu d’implantation du camp offre la possibilitĂ© d’accĂ©der Ă de l’eau potable en grande quantitĂ©.
Les premiers aménagements du camp remontent à 1897. à cette époque, les pourparlers et les travaux visant à transformer la région en un site militaire stratégique sont entamés.
Les Ă©quipes se lancent dans des dĂ©marches administratives et des relevĂ©s cadastraux afin d’acquĂ©rir ou d’exproprier prĂšs de 11 170 hectares de terrain. Des architectes prĂ©parent les plans pour la construction des bĂątiments capables dâaccueillir une division en manĆuvre (4 rĂ©giments dâinfanterie, soit 16 compagnies de 150 hommes, 2 groupes de 3 batteries montĂ©es, 1 compagnie divisionnaire du gĂ©nie et 1 rĂ©giment de cavalerie, soit 4 escadrons de 100 chevaux). Le projet avait Ă©galement prĂ©vu lâinstallation supplĂ©mentaire dâune brigade dâartillerie et dâune brigade dâinfanterie.
Les principales constructions furent édifiées dÚs 1905, elles comprennent: 5 fours à pain et des cuisines pouvant alimenter 10 000 hommes, des écuries, des hangars pour entreposer la paille et le fourrage, 2 mess (1 par brigade pour 400 officiers chacun), des casernements pour la garnison en hiver, 2 infirmeries, une infirmerie-hÎpital, une infirmerie vétérinaire, un arsenal avec un magasin à poudre, 2 magasins pour les projectiles chargés et 2 magasins pour les munitions confectionnées.
Il est Ă©galement construit des pavillons pour loger les officiers, d’autres pour l’intendance, ainsi que des bureaux, un bĂątiment pour le gĂ©nie, une boucherie avec son Ă©table et un parc pour les bestiaux. De plus, des lavabos, des lavoirs et des latrines sont amĂ©nagĂ©s.
Une usine Ă©lĂ©vatoire est installĂ©e pour pomper l’eau potable Ă partir de forages situĂ©s Ă la ferme Sainte-Suzanne. Cette eau est ensuite refoulĂ©e dans un rĂ©servoir de 300 mÂł et un autre de 400 mÂł. La distribution de l’eau est assurĂ©e par des canalisations alimentant 41 fontaines. Un rĂ©seau d’eaux usĂ©es est Ă©galement construit, avec des branchements vers les mess, les cantines, les cuisines, les lavabos et les latrines. Ces eaux usĂ©es sont acheminĂ©es vers un dĂ©potoir de 400 mÂł, puis refoulĂ©es vers un champ d’Ă©pandage situĂ© Ă Trouans. Les dynamos des machines Ă©lĂ©vatoires sont utilisĂ©es pour l’Ă©clairage du camp, alimentant 242 lampes de 10 bougies.
De plus, une voie ferrĂ©e de 4,2 km est construite pour relier le camp Ă la ligne de Troyes/ChĂąlons-en-Champagne, permettant ainsi le transport du gros matĂ©riel vers l’arsenal, le magasin Ă fourrage et le grand quai pour le dĂ©barquement ou l’embarquement. Le coĂ»t total de l’ensemble de ces installations est estimĂ© Ă 7 600 000 francs.