Le 28 août 1944, les Américains arrivent à Mailly. Ils ne s’y arrêtent pas, poursuivant les Allemands en pleine retraite. Les éléments qui viennent de derrière, vont en prendre possession. Ils l’utilisent, dans un premier temps, comme un centre de regroupement pour les innombrables prisonniers qu’ils capturent. Puis, installent quelques services dans les bâtiments encore debout, mais ils ne s’occupent pas des ruines. Ils se servent seulement du champ de manœuvre pour des exercices avec leurs unités blindées.
28 AOûT 1944 : LIBéRATION DE MAILLY
Fin 1944, les forces alliées convergent vers le territoire allemand depuis deux directions opposées. Les villes allemandes se défendent avec acharnement, mais il faut treize jours de combats rapprochés pour prendre Berlin, où Hitler se suicide le 30 avril 1945 dans son bunker de la chancellerie.
Le 8 mai 1945, l’Allemagne reconnaĂ®t sa dĂ©faite et dĂ©pose les armes, mettant fin Ă la Seconde Guerre mondiale en Europe, bien que les combats se poursuivent dans le Pacifique entre les AmĂ©ricains et les Japonais jusqu’Ă la capitulation signĂ©e le 2 septembre 1945.
DéBUT DE LA PRéSENCE AMéRICAINE
Le camp de Mailly devient un centre de rĂ©organisation de l’armĂ©e amĂ©ricaine, car la guerre est terminĂ©e en Europe et le rapatriement des troupes s’organise. Plusieurs camps amĂ©ricains sont dispersĂ©s dans la rĂ©gion de Reims, autour des camps de Sissonne, Mourmelon, Suippes et Mailly, afin de mettre en attente les troupes avant leur dĂ©part vers les ports.
Les camps amĂ©ricains de Miami, New Orleans et Atlanta prennent place le long de l’Huitrelle, entre Poivres et Trouans. Deux autres camps, notamment celui de Norfolk situĂ© Ă Sommesous et celui de San Antonio, localisĂ© Ă Plancy-l’Abbaye, peuvent accueillir jusqu’Ă 75 000 soldats.
Le camp de Mailly Ă©tant en ruines, les AmĂ©ricains installent des tentes pour se loger. Ils disposent de magasins, de théâtres, de terrains de sports, de bibliothèques, de cinĂ©mas, de théâtres, etc. Toutefois, initialement, les troupes devaient rester quelques jours dans ces camps, mais en raison d’un manque d’organisation, elles y resteront parfois pendant des mois. Ces camps contribueront Ă la reconstruction des infrastructures et influenceront les populations locales en adoptant le mode de vie amĂ©ricain jusqu’en mars 1946.

De plus, un camp de prisonniers est mis en place par les AmĂ©ricains pour accueillir des prisonniers allemands et d’autres nationalitĂ©s. Le CCPWE n°16 accueille des prisonniers soumis Ă une discipline stricte et Ă des conditions de vie rudes. Le camp est composĂ© de sous-campements sĂ©parĂ©s par des chemins pour les gardes, et il dispose d’un hĂ´pital, de cuisines, de sanitaires, de bains, d’un cinĂ©ma et d’un théâtre.
Le camp peut accueillir jusqu’Ă 18 000 personnes et sert de centre de rĂ©partition pour les dĂ©tenus vers d’autres camps. Les prisonniers sont triĂ©s en fonction de leur nationalitĂ© et de leur grade. Les officiers logent dans des campements sĂ©parĂ©s. Toutes les tentes disposent d’un poĂŞle, mais seuls ceux qui travaillent reçoivent des lits en bois, tandis que les autres dorment sur des sacs de paille ou du carton.
Beaucoup de prisonniers souffrent de malnutrition. La nourriture est insuffisante, mais elle s’amĂ©liore Ă partir de 1945, avec une distribution quotidienne de viande, bien que certains meurent de tuberculose. Il y a peu de plaintes, car elles sont dĂ©couragĂ©es par les gardes. Le changement de vĂŞtements est rare.
En raison des pluies, le sol crayeux du camp se transforme en un vĂ©ritable bourbier. Pour faire face Ă ce problème, les habitants affirment que des conserves vides sont utilisĂ©es pour crĂ©er des chemins. De nombreux toits de tentes se dĂ©chirent au niveau des charpentes en bois, laissant l’eau pĂ©nĂ©trer.
La cohabitation est difficile entre les prisonniers et leurs gardiens, certains gardiens rackettent les dĂ©tenus. Les prisonniers sont requis pour effectuer des travaux gĂ©nĂ©raux, tandis que d’autres pratiquent des mĂ©tiers artisanaux. Les premiers prisonniers sont libĂ©rĂ©s en 1945 après des nĂ©gociations avec les reprĂ©sentants de chaque nationalitĂ©, et le camp ferme en 1947.

LA RECONSTRUCTION APRèS LA GUERRE
Certains habitants de Mailly, ayant subi l’occupation de leurs logements par les Allemands, ne possèdent plus de mobilier, tandis que d’autres ont vu leurs logements entièrement dĂ©truits, comme ceux du bois de Sainte Suzanne.
Dès les jours suivant le bombardement du 3-4 mai 1944, des cartes de sinistrĂ©s sont distribuĂ©es Ă certains habitants afin de bĂ©nĂ©ficier d’aides financières pour la prise en charge des frais mĂ©dicaux et des obsèques. Les cartes de sinistrĂ©s permettent de bĂ©nĂ©ficier d’une somme comprise entre 500 francs et 4 000 francs en fonction de la situation de chaque individu.
L’ensemble du personnel du STO (Service du Travail Obligatoire) ou leurs familles, prĂ©sents sur le camp durant le bombardement, bĂ©nĂ©ficient Ă©galement des cartes de sinistrĂ©s. Toutefois, ces cartes de sinistrĂ©s font polĂ©mique, car le ComitĂ© ouvrier de secours immĂ©diat (COSI), une organisation de la collaboration, gĂ©rait l’attribution de ces cartes. Les sommes allouĂ©es Ă cette distribution proviennent de biens spoliĂ©s aux familles juives. Cette organisation fut dĂ©mantelĂ©e lors de la LibĂ©ration.
Une fois la libĂ©ration terminĂ©e, les AlliĂ©s, par la signature du traitĂ© de paix avec l’Allemagne, bĂ©nĂ©ficient de rĂ©parations de guerre. Certains habitants, en plus des cartes de sinistrĂ©s, reçoivent des indemnitĂ©s de guerre afin de rĂ©parer les dĂ©gâts causĂ©s par les occupants. Ces indemnitĂ©s sont attribuĂ©es Ă la suite d’une commission communale chargĂ©e de vĂ©rifier la nĂ©cessitĂ© de cette aide. Les sinistrĂ©s qui ne possèdent plus d’habitations logent chez leurs familles ou dans des baraquements provisoires.
L'éVOLUTION DU CAMP JUSQU'à AUJOURD'HUI
1949-50
Les Américains restituent le camp aux autorités françaises en 1950.
C’est ensuite la 21ᵉ compagnie qui prend le nom de la compagnie du camp et assure la prĂ©sence militaire française avec un personnel rĂ©duit.
En avril 1951, la 32ᵉ compagnie du camp est créée et comprend un officier, 5 sous-officiers et 85 hommes de troupe.
En 1952, les AmĂ©ricains amĂ©nagent quelques bâtiments encore debout pour en faire un centre d’instruction pour les chars M47 Patton. Cependant, le camp reste sous l’autoritĂ© française.
Puis, lentement, le camp sort de ses ruines, et naĂ®t alors le Centre tactique des engins blindĂ©s, qui devient le Centre de perfectionnement des cadres et de l’instruction au tir (CPCIT). Ce centre regroupe, en plus de l’instruction du tir au canon, l’instruction aux missiles et des cadres.

1955
Le 6 janvier 1955, sur ordonnance du tribunal civil de Troyes, le camp de Mailly est autorisĂ© Ă s’Ă©tendre sur le finage de la commune de Dampierre. Le camp s’Ă©tend sur 582 hectares supplĂ©mentaires, portant la surface du camp Ă 12 282 hectares.
Le 1er juillet 1955, la 12ᵉ compagnie du camp est placĂ©e directement sous les ordres du commandant du camp. Jusqu’en 1973, date de son dĂ©part pour Canjuers oĂą elle est en garnison permanente, le CPCIT demeure Ă Mailly. Il est remplacĂ© par le 3ᵉ rĂ©giment d’artillerie qui rejoint Mailly en 1973.


1992
En 1993, l’armée décide de s’équiper avec des moyens de simulation au combat inspirés de système américain.
En 1994, la création du Centre d’Entrainement des Postes de Commandement qui devient en 2017, le Centre d’Entrainement et de Contrôle des Postes de Commandement (CECPC) reprend les traditions du 3ᵉ Régiment d’Artillerie.
La création, en 1997, du Centre de Préparation des Forces au combat concrétise cette mutation d’une très grande ampleur. Mailly n’est pas qu’un simple champ de manœuvre, mais devient un outil privilégié pour l’entrainement des unités grâce à la simulation. S’appuyant sur l’expérience acquise par les Américains, il est créé à Mailly le centre d’entrainement expérimental au combat (CENTEX).
Ce centre accueille chaque année un grand nombre de régiments d’infanterie et d’artillerie blindée, venant s’entrainer dans des conditions de combats réels. La refonte de l’armée de Terre, lié à un changement de contexte stratégique, va précipiter son évolution. C’est ainsi que le CENTEX va devenir le CENTAC (Centre d’Entrainement au Combat). Le CENTAC a pour mission de mettre à la disposition des forces terrestres les moyens modernes de simulation permettant un entrainement efficace et réaliste.
Le CENTAC-1er Bataillon de Chasseurs à pied met, en outre, à la disposition des forces une organisation complète pour le montage et la conduite des exercices. Une équipe pédagogique assure l’accueil des unités qui viennent s’exercer lors des manœuvres.
2016

La restructuration complète de l’organisation du commandement s’effectue avec la création d’un poste d’officier général. Cette évolution s’est traduite, comme dans toute l’armée de Terre, par la disparition des appelés et un accroissement des effectifs civils.
En 2016, il recrĂ©e le 5ème RĂ©giment de Dragons afin de fournir une force d’opposition adaptĂ©e Ă la prĂ©paration opĂ©rationnelle en fournissant un ennemi crĂ©dible aux unitĂ©s de l’armĂ©e de Terre qui viennent s’entraĂ®ner au centre d’entraĂ®nement au combat (CENTAC).
En 2017, par la force d’expertise du combat Scorpion (FECS), le rĂ©giment participe directement Ă la mise en place des Ă©quipements et systèmes d’information du programme Scorpion. Aujourd’hui, le camp de Mailly est constituĂ© de 1800 hommes et femmes.

L'HISTOIRE DE MAILLY ET DE SON CAMP NE CESSE DE SE TRANSFORMER AU FIL DU TEMPS.
Le bombardement du 3-4 mai 1944 se dĂ©marque des autres opĂ©rations militaires par ses particularitĂ©s, mais il ne reste qu’un exemple parmi tant d’autres qui ont permis la fin de la guerre et la libĂ©ration de la France.
La Seconde Guerre mondiale fut le conflit le plus meurtrier de l’Histoire avec plus de 60 millions de morts, soit 2,5 % de la population mondiale de l’Ă©poque dont la majoritĂ© fut des civils. Elle a Ă©tĂ© un dĂ©chainement de violence permettant les pires atrocitĂ©s que mĂŞme les humains ne pouvaient imaginer.
En France, 567 600 militaires et civils ont perdu la vie suite Ă ce conflit. Nous sommes tous plus ou moins liĂ©s Ă ces disparus, que cela soit par nos ancĂŞtres ou par l’hĂ©ritage qu’ils nous ont laissĂ©.
La mĂ©moire de la guerre et des victimes est un devoir moral que nous avons envers ceux qui ont souffert et sont morts dans les conflits. Nous devons nous souvenir de leurs sacrifices et de leurs courages, ainsi que des horreurs de la guerre, afin de prĂ©server la paix et d’Ă©viter que de tels Ă©vĂ©nements ne se reproduisent Ă l’avenir…

L’application du ¾ mai 1944 sera disponible et gratuite (premier trimestre 2024) sur l’ensemble des smartphones, elle ne nécessite pas de connexion internet permanente
Pour la télécharger, vous pouvez scanner ce QR code ou aller directement sur les Playstore et les Apple Stores. L’application vous informera de l’existence d’une expérience de réalité augmentée avec une notification depuis votre smartphone.
Crédits photos :
Vidéo des camps américains à Mailly. « Orphelins de buchenwald, buchenwald, allemagne ; ex-prisonniers rentrant chez eux, buchenwald, allemagne ; air views hq et camps, rheims et mailly subarea assembly command, reims, france ». États-Unis. Department of Defense. Department of the Army. Office of the Chief Signal Officers. Collection Nationale Archives, https://catalog.archives.gov/id/18613
Extrait d’un arrĂŞtĂ© de la prĂ©fecture de l’Aube pour la crĂ©ation de la commission de dommage de guerre pour la commune de Mailly-le-Camp. Collection mairie de Mailly-le-Camp
Char français en manœuvre sur le camp en 1953. Collection JACQUEMIN Philippe
Vue du camp durant les années 60. Collection PIERREJEAN Philippe
Missile Pluton au camp de Mailly. Collection GIROD Christian
Insigne régimentaire du 5e régiment de dragons. Collection 5e régiment de dragon
Soldat Ă l’entrainement dans le camp de Mailly. Collection CENTAC