La préparation minutieuse du bombardement de Mailly par les Alliés et la riposte allemande

1940

En juillet 1940, en prévision des raids de la Royal Air Force (armée de l’air britannique), les Allemands mettent en place une ligne de défense anti-aérienne nommée Kammhuber. Cette ligne, composée de canons anti-aériens, de radars de détection et de brouillage, s’étend du Danemark jusqu’au Jura français. Cette protection passive est renforcée par la présence d’unités d’aviation de chasse qui doivent intercepter et détruire les avions des Alliés.

Le camp de Mailly se trouve sur l’axe de cette ligne de défense. Un radar est placé sur la commune de Sompuis dans la forêt de Vauhalaise tandis qu’une station d’écoute est déployée à Sommesous.

Au printemps 1944, le débarquement de Normandie se prépare, l’activité aérienne des Alliés est à son maximum.

1944

LE RôLE DE LA RéSISTANCE

La résistance auboise participe activement à la préparation du bombardement  en recueillant des renseignements les plus divers : nom des unités avec numéros d’identification, leurs provenances, leurs matériels ainsi que d’autres informations spécifiques du camp tel que l’emplacement des dépôts d’essences et de munitions.

Ils permettent ainsi aux Anglais de connaitre l’activité du camp et des troupes qui y stationnent.

Dans son livre Mes camarades sont morts, le colonel Brouillard sous le nom de plume de Pierre Nord, par l’un de ses agents du nom de V 210, rapporte la présence au camp de la division Hohenstaufen qui dispose de chars de 30 à 40 tonnes au 26 février jusqu’au 16 mars 1944.

Les plans et les coordonnées du camp de Mailly sont envoyés à Londres par plusieurs réseaux de la résistance via plusieurs biais.

Tous d’abord, en 1943, un calque du camp réalisé par monsieur Marnat, du village aubois d’Estissac, est demandé par le commandant Alagiraude, puis transféré par le capitaine du Génie Robert Chevenet (appartenant à l’Armée secrète) à Londres.

Ensuite, le réseau Samsom envoie également un plan du camp de Mailly à Paris au colonel Masson. Ce document de 180 cm sur 80 cm, dérobé par Monsieur Portailler Hugues, entrepreneur en peinture chargé de la réfection murale des bureaux. Ce même peintre fournit également un rapport détaillé sur les effectifs du camp, qu’il estime à 2000 soldats allemands, dont 50 SS.

Enfin, le 11 février 1944, un agent du réseau Ceux de la Libération, se faisant passer pour un démarcheur d’assurance, a pu dérober un plan dans une cabane d’une entreprise civile travaillant dans le camp.

Ces plans et informations, recueillis par ces groupes de résistants, montrent le travail essentiel de la résistance auboise pour la réussite du bombardement de Mailly. Ils risquent leur vie et celle de leurs propres familles pour faire passer ces renseignements capitaux pour la préparation du bombardement.

En mai 1944, les Anglais savent qu’une division blindée, forte de plus d’une centaine de chars, est mobilisée à Mailly pour se déplacer en cas d’un débarquement des Alliés.

Des témoignages de la population locale confirment que les habitants savaient que le bombardement allait avoir lieu. Pendant une représentation théâtrale à Poivres, des témoins affirment avoir aperçu un avion tracer le chiffre 4 dans le ciel, avec sa traînée d’échappement, la veille du bombardement prévu pour le 4 mai. Des agents anglais auraient participé activement aux bombardements, en fournissant des informations sur le camp ou en tirant des fusées éclairantes depuis le sol afin de protéger le village.

LA RIPOSTE ALLEMANDE

Les Allemands ne doutent pas de l’imminence d’une éventuelle attaque sur Mailly.

Par mesure de précaution, une partie des dépôts de munitions et du matériel est transférée et disséminée dans les nombreux bois de pins des communes environnantes, et les chars sont éloignés dès leur remise en état.

Depuis le début du mois d’avril, toutes les nuits, une partie du personnel est dispersée dans les bois aux alentours, et à partir du 28 avril, les chars sont évacués à raison de 3 à 4 trains par jour. Le 3 mai dans l’après-midi, l’ordre est donné de faire sortir les chars du camp.

Ce sont 26 trains, porteurs de 4 chars chacun, qui quittent le camp. Chaque wagon portant un char est séparé par 4 autres wagons chargés de matériel et de munitions. La dernière rame sort en fin d’après-midi. Plus de 100 chars quittent ainsi Mailly, peu avant le bombardement, pour se mettre à l’abri dans la tranchée ferroviaire entre Mailly et Sommesous, mais aussi dans le tunnel entre Sompuis et Huiron.

Ce même après-midi, un train de SS composé de 45 wagons, dont 5 de matériel venant du front de l’Est, est dirigé vers le débarcadère du camp. Dans l’après-midi du 3 mai, ce sont également 7 à 8 camions militaires allemands porteurs de plateformes de DCA à 4 tubes qui se rendent au village de Poivres et qui sont vus par une restauratrice sur la route de Châlons à Mailly.

LES PLANS D’ATTAQUE DU BOMBARDEMENT

Dès le mois d’avril 1944, le camp de Mailly fait l’objet d’une surveillance constante par des vols de reconnaissance aérienne et par la Résistance. Il constitue un lieu de centralisation pour les chars, indispensables à une éventuelle contre-offensive en cas de débarquement des Alliés. Le bombardement de Mailly est une opération militaire dont la tenue a dépendu de la stratégie adoptée lors de la conférence de Casablanca

La conférence de Casablanca, ou conférence d’Anfa, fut une conférence qui eut lieu du 14 au 24 janvier 1943 à l’hôtel Anfa de Casablanca au Maroc afin de préparer la stratégie des Alliés après la Seconde Guerre mondiale.

Lors de cette conférence en janvier 1943, le président américain Roosevelt et le premier ministre britannique Churchill donnent leurs accords à une stratégie commune de bombardement combinée afin de libérer l’Europe.

Ces bombardements stratégiques visaient à cibler les villes et leurs réseaux d’approvisionnement, les voies ferrées, les gares, les routes, les ponts, les usines, les réserves de pétrole et toutes autres cibles militaires.

3 MAI 1944

L’Air Chief Marshal, Arthur Travers Harris, patron du Bomber Command, considère que les conditions sont réunies pour un raid sur le camp de Mailly durant la nuit suivante, sous une lune au dernier quartier et un ciel sans nuages. Il décide d’envoyer les groupes n° 1 et n° 5 de sa flotte, tous deux dotés de bombardiers Lancaster. 

Le squadron (escadrille) n°617, appartenant au groupe n° 5, commandé par Geoffrey Leonard Cheshire (27 ans), surtout connu pour avoir dirigé le groupe des « casseurs de barrages » sur l’Allemagne qui sera décoré plus tard de la Victoria Cross, prend la tête d’une section de 4 Mosquito.

Le Wing Commander Cheshire est chargé d’effectuer un marquage de haute précision à basse altitude afin d’éviter de toucher le village.

Des équipages des squadrons 83 et 97, spécialistes des missions de balisage, doivent éclairer le secteur avec des fusées pour faciliter la tâche des Mosquitos du squadron 617.

Le groupe n°5, composés de 177 Lancaster, doivent d’abord bombarder le premier point.

Dix minutes plus tard, les Mosquito de Cheshire doivent marquer le deuxième point de viser à l’autre extrémité du camp pour la deuxième vague pour faire intervenir 171 autres Lancaster du groupe n° 1.

Chaque Lancaster emporte dans sa soute à bombes : 1 Blockbuster (briseurs de béton) de 4 000 livres (soit 18 000 kilos) et 15 ou 16 bombes HE de 500 livres (soit 230 kilos) chacune.

Le chef contrôleur de l’opération est le Wing Commander L.C. Deane, du squadron 83. Son rôle est de coordonner les déplacements des bombardiers sur leurs zones de largage une fois l’accord de Cheshire et du marquage.

Le Squadron Leader E.N.M. Sparks, ferait fonction de contrôleur suppléant si Deane était abattu ou contraint de faire demi-tour.

m34

LA DURéE DE L’ATTAQUE PRéVUE EST DE 29 MINUTES

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Crédits photos : 

Char allemand à la gare militaire de Mailly. Collection Association du 3-4 mai 1944

Reconstruction du tunnel entre Sompuis et Huiron. Collection JACQUEMIN Philippe

Carte allemande du camp de Mailly. Décembre 1941.  Allemagne, Armée Allemande. Collection de la Bundersarchiv, https://invenio.bundesarchiv.de/invenio/direktlink/4405080d-a140-44a4-a75b-30052121c56a/